Tarot de Jacques Viéville

Jacques Viéville

Tarot de Jacques Viéville

Les 22 majeurs du Tarot de Jacques Viéville sont disponibles a la boutique.

Paris vers 1650,

Jacques Viéville est un pseudonyme de graveur, et à ce sujet, allez visiter la page qui leur est consacrée. Il est facile d’imaginer un ouvrier qui gravait sur un positif existant. 1650 est, entre de multiples autres, une date ou une sorte de guerre a opposé le fisc de l’époque aux cartiers. Il faut savoir qu’à l’époque les taxes sur les jeux de cartes représentaient un pourcentage très important du budget de l’état, nettement plus que l’impôt sur le sel. Quelque chose, qui dans son volume s’apparenterait à la Taxe sur les Produits Pétroliers. Pour mieux contrôler les cartiers, ils avaient été placés en maisons communes. Toute la corporation était regroupée dans un pâté de maisons, et surveillée par la gendarmerie et les agents du fisc. Les ouvriers étaient sélectionnés, devaient avoir un passe, les feuilles de la journée étaient numérotées et apportées par un huissier à l’embauche. Les anciens moules avaient été saisis et/ou détruits. Pour les refaire, les graveurs de cartes ordinaires, c’était sans trop de problèmes à trouver, mais les graveurs de tarot, ça ne courrait certainement pas les rues. Jean Noblet, était éditeur et graveur. Pour lui, techniquement pas de complications. Mais, pour un tarot “piémontais”, où trouver le graveur spécialisé ? Pour faire redémarrer une production de ce type de tarots, il aura fallu improviser. Il est bien probable que le graveur a “copié” à l’envers ce tarot. On se sert de la feuille imprimée en noir, et on marque le bois placé en dessous en la découpant en suivant les traits. C’est de loin le plus simple pour une époque qui n’a pas de papier calque ou autre accessoire moderne. Pour les spécialistes, tout le monde sait que le Viéville est ” à l’envers”, pour presque, mais pas tous les arcanes. En faisant ainsi, on sauvait les meubles. On sauvait une imagerie qui autrement était définitivement perdue. Un bon ouvrier graveur standard, sans compétences particulières et initiation au tarot, l’à reproduit à l’envers. Ce n’était pas trop grave, les joueurs s’y retrouvaient tout de même! Mais pas nous autres puristes.Voici une réponse de Bertrand.

Pour notre édition de septembre 2012 des 22 arcanes majeurs du tarot Jacques Viéville, nous avons pris le parti d’éditer les deux versions : celle de la BN et une version remise dans l’ordre des canons dits de Marseille.

 

Cette représentation de ce que les tarots dits de “Marseille” nomment La Maison Dieu, est particulièrement intéressante. Que voit-on : un berger, le cou tordu vers un énorme luminaire, et un arbre qui pousse au milieu d’un troupeau de chèvres et de moutons. Tout les discours des ésotéristes sur la “Tour foudroyée” et de l’homme “face à son destin”, n’a plus de sens. Alors? Chez les “Jacques”, le peuple du roman, le troupeau de chèvres et de moutons parle des vies “dites” antérieures. Dans cette image, il s’agit de la conscience qui revoit à l’envers ses mémoires passées et pousse jusqu’à rejoindre la lumière, jusqu’à se fondre dans la lumière. En d’autres termes, il s’agit d’une expérience d’illumination. La gravure du Conpagnon Re-né est une autre représentation de cette expérience.

“La Roue de Fortune de la Cathédrale d’Amiens”

Le soleil ! (dans le tarot de Marseille)

Représentation de l’âme illuminée qui entre dans son dynamisme lors de sa phase de rayonnement. La fille est nue. Rien ne la protège, elle se laisse voir sans cacher quoi que ce soit, telle qu’elle est. C’est le stade où vous acceptez de vous voir comme les autres vous voient. Elle est en chevalière, oriflamme au vent, pour insister sur la force, la puissance de persuasion, et le dynamisme dont l’être fait preuve à ce stade. Elle “cavale”, c’est à dire en langue des oiseaux, qu’elle est en phase active d’enseignement et qu’elle rayonne sur son environnement. Son activité est encore ancrée. Ce sera seulement au stade de l’état représenté par Le Monde que son opérativité se fera, par elle, mais sans elle.

compagnon Re-né passant de son vivant dans l'autre monde de la réalité

Quelques commentaires et documents issus de feue la liste TarotTirage résumé n°170 Sujet : Noblet – Viéville

 

Bonjour à tous, Maintenant qu’une restauration du Tarot de Jean Noblet est disponible, je me suis amusé à faire une comparaison sommaire (Numéro d’ordre, Appellation, Motif semblable, Inversion du motif) entre les 22 atouts de deux Tarots publiés à Paris aux environs de 1650. Je remercie André et Charly qui me permettent de donner un nom aux atouts de Jacques Vieville. Il semble qu’il faille suivre la piste de l’alchimie pour déchiffrer ce jeu !

Tarot de Jean NOBLET 

Paris +/- 1650
(J-C Flornoy 2001)

Tradition “Milanaise”
I LL BATELEVR
II LA.PAPESSE
III LEMPERATRISE
IIII LEMPEREVR
V LE.PAPE
VI .LAMOVREVX
VII LE CHARIOT (I.N)
VIII IVSTICE
VIIII LERMITE
X LA ROVE.DE FORTVNE
X-I FORCE
X.II LE.PENDV
X.III LAMORT
X.IIII .LEMPERANCE.
X.V  LEDIABLE
XVI  LA MAISON.DIEV
XVII   LESTOILLE
XVIII  LALVNE
XVIIII  LESOLEIL
X.X   LEIVGEMENT
X.X.I  LEMONDE
LE FOV

Tarot de Jacques VIEVILLE

Paris +/- 1650
(Heron 1984)

Tradition “Milanaise”
Tradition “Piémontaise”
I BAGA (semblable inversé)
II   LA.PAPESSE (semblable inversé)
III LINPERATRYCE (semblable inversé)
IIII L’ANPEREVR (semblable inversé)
V DE PAR LE PAPE (semblable)
VI AMOVREVX (semblable, dessus non inversé, dessous inversé)
V III E TRANNAY (numérotation dif. semblable inversé)
VII YVSTICE (numérotation dif. semblable inversé)
XI DE CE VIELART (numérotation dif. semblable inversé)
X QVV.SOIT.CRYE (semblable inversé)
IX A FORCE (numérotation dif. semblable inversé)
XII QVY SOIT PENDU (semblable inversé + renversé)
XIII (semblable sans nom)
XIIII DE CESTE.DAME (représentation différente + inscription miroir SOL FAMA)
XV  AV DYABLE (représentation différente, personnage marchant vers la dextre)
XVI  LA FOVDRE (représentation différente, troupeau de moutons, berger et arbre)
XVII  L’ES ESTOILES (représentation différente, astronome ou architecte)
XVIII  L’A LVNE (représentation différente, une fileuse à la quenouille, arbre)
XIX  LE SOLEIL (représentation différente, une cavalière nue)
XX  A SON DE TROMPE (semblable)
XXI  PAR TOVT L.E MONDE (semblable
inversé, sauf les deux vivants supérieurs)
MA  (semblable inversé)

Conclusions

4/22 représentations ont une numérotation différente (Viéville : VIII, VII, XI, IX) 16/22 représentations sont semblables dans les deux jeux. 13/16 sont inversées chez Viéville (Deux sont inversées en partie : VI et XXI. Une est inversée et renversée : XII) 6/22 représentations sont différentes (Viéville : XIIII, XV, XVI, XVII, XVIII, XIX) Deux jeux semblables mais si différents, deux traditions picturales, deux puzzles pour les chercheurs mais aussi deux chef-d’œuvres.


Pour les amateurs du Noblet et du Viéville, voici un texte extrait de l’ouvrage “Tarot, Jeu, Vie” de la Bibliothèque Nationale 1984 par Thierry Depaulis.

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Tarot Viéville

Jacques Viéville (connu de 1643 à 1664) Paris, milieu du XVII° s.
78 cartes (complet), enseignes italiennes
gravure sur bois coloriée au pochoir
papier en plusieurs couches
125 x 70 mm
dos : motifs hexagonaux avec « croix de Malte »
marque :
IAQVES VIEVIL. A PARIS (2 de Deniers)
Ce tarot est un des très rares jeux complets du XVII° siècle.
Il est l’ouvre d’un cartier parisien dont le nom, abrégé en VIEVIL., apparaît sur la banderole du 2 deDeniers, selon un usage déjà attesté à Milan en 1499. H.R. d’Allemagne signale son existence – sous la forme Viéville… – en décembre 1643, mars 1648, avril et août 1664 (où il est cité en même temps que Jean Noblet). Un acte notarié du 10 février 1648 se trouve aux A.N. (X, 97).
Aucune légende ne figure sur les atouts, pas plus que sur les têtes. Les points ne sont pas numérotés; les noms de 18 des atouts nous sont fournis par une curieuse inscription partagée entre le 2 de Coupes et l’as de Deniers :

PERE SAINCT FAIT / MOY YUSTICE
DE CE / VIELART MA ET BAGA /
AMOUREUX DE / CESTE DAME QVY
/ SOIT CRYE A SON DE / TROMPE
PAR TOVT / LE MONDE DE PAR / LE
PAPE LA PAPESSE / L’ANPEREVR
L’INPERATR / YCE LE SOLEIL (as de
Deniers), / LA LVNE LES ETOILLES /
LA FOVDRE PRINS / A FORCE QVY
SOIT / PENDVE TRANNA Y/AV DIABLE (2 de Coupes).

Si les cartes de points et quelques atouts évoquent le Tarot de Marseille, les figures et les autres atouts s’en éloignent. Michael Dummett a eu raison de souligner la forte parenté qui unit ce jeu aux tarots faits à Rouen et à Bruxelles au XVIIIè siècle (cat. n° 55 et 57).

On dirait que Viéville et les cartiers de Rouen et de Bruxelles ont mélangé la tradition milanaise du Tarot « de Marseille » (exemple : Noblet, cat. n° 35) et la tradition bolonaise : les atouts l à XIII correspondent, à quelques détails d’emplacements près (interversions Chariot / Justice et Force / Hermite) au style et au dessin du tarot de Marseille, tandis que les atouts XIV à XXI se rattachent à une autre origine graphique. On a déjà souligné les affinités que présente le Diable du tarot de Bologne ancien (cf. cat. n° 25 et 26) avec celui de Viéville. Il est presque certain que la « Foudre » (Maison-Dieu – n° XVI) était à l’origine une allégorie de l’Étoile ; quant à l’Étoile et à la Lune (nos XVII et XVIII), c’est à la Lune et au Soleil bolonais qu’elles font penser, comme s’il y avait eu un décalage. Le Soleil (XIX) pourrait avoir été puisé ailleurs (la « Mort » du tarot bolonais ?) et le Jugement reste dans un style voisin. Seul le Monde marque un retour au Tarot de Marseille. Mais les versions rouennaise et bruxelloise sont restées fidèles au globe surmonté d’un personnage qui caractérise le tarot bolonais (et le minchiate qui en dérive).

Nous pensons, avec Michel Dummett, que le tarot de Jacques Viéville ainsi que ceux d’Adam de Hautot et des cartiers bruxellois au XVIIIè siècle représente une tradition distincte du Tarot de Marseille, héritée plus ou moins directement de Bologne, via le Piémont et la Savoie (cf. cat. n° 118).
Fac-similé : éditions Boéchat-Héron, 1984.
Paris, B.N., Estampes, Kh 34 rés. t. l.
Bibl. : D’Allemagne, l, 188-190, 302, 307, 309;
II, 96 ; BN 63, n° 359 ; Dummett, 205-207 ; PC,
XII, n° 4, p. 125.