Le doigt du Bateleur

 

Avec une image pareille, vous vous en doutez, beaucoup d’encre a déjà coulé. Pourquoi un maître traditionnel du tarot se permet-il une telle chose?

1650 est avec de multiples autres, une date ou une sorte de guerre a opposé le fisc de l’époque aux cartiers. Il faut savoir qu’à l’époque les taxes sur les jeux de cartes représentaient un pourcentage très important du budget de l’état, nettement plus que l’impôt sur le sel. Quelque chose qui dans son volume s’apparenterait à la TVA.

Pour mieux contrôler les cartiers, ils avaient été placés en maisons communes. Toute la corporation était regroupée dans un pâté de maisons, et surveillée par la gendarmerie et les agents du fisc. Les ouvriers étaient sélectionnés, devaient avoir un passe. Les feuilles de la journée étaient numérotées et apportées par un huissier à l’embauche. Les anciens moules avaient été saisis. Pour les refaire, trouver des graveurs de cartes ordinaires, c’était sans trop de problèmes, mais les graveurs de tarot, ça ne courrait certainement pas les rues. Jean Noblet était éditeur et graveur. Pour lui, spécialiste des tarots, techniquement il n’y avait pas de complications, mais un ras le bol prononcé de devoir passer un an, peut-être plus, à refaire ses moules. Son doigt d’honneur en est le signe. Comme il a fait une modification importante de la carte, il l’annonce par ce curieux LL Bateleur. Le second L est l’équerre du maître, la signature par la quelle il dit : j’ai fait une variation, je suis un maître et j’assume. Il fera la même chose pour Lemperance et Lestoille.

Ce doigt d’honneur s’adresse-t-il à nous autres public ? Est-ce un message porteur de signification ésotérique ? J’ose espérer que c’est au fisc qu’il s’adresse et que c’est de la langue des oiseaux.