Charly Alverda et Maison-Dieu par le regretté Baron Emmanuel d’Hoogvhorst

Posté par Charly Alverda  le : 21-09-08 10:40:42

Bonjour,

Je vous présente la vision du Tarot et de la Maison-Dieu du regretté Baron Emmanuel d’Hoogvhorst. C’est un extrait de l’étude qu’il fit en 1979 dans la revue Le fil d’Ariane. Je précise qu’il ne connaissait que le Grimaud et que je ne partage pas toutes les conclusions de son interprétation, mais j’en partage tout à fait l’esprit.
C…a

“ Précisons à présent dans quel sens il conviendrait de comprendre une cartomancie originelle qui fût comme le reflet du Grand Oeuvre. Si on a fini par considérer les tarots comme un moyen de prévoir l’avenir, au sens vulgaire du terme, c’est par une sorte d’amputation de leur principe, dans l’ignorance de l’intention primitive des imagiers. La divination vulgaire n’est plus que l’écorce vide de l’ancienne mantique ou prophétie dont le rôle n’est pas d’annoncer ce qui arrivera demain ou après-demain, mais de dire le monde à venir ou âge d’or, ce qui est très différent. C’est dans cette dernière perspective seulement qu’il conviendrait d’étudier les livres prophétiques. Il se produit généralement, dans l’annonce ou la description de cet âge d’or, que le prophète soit amené tout naturellement à décrire la dissolution de l’âge de fer, c’est-à-dire, de ce monde-ci. Le but de la prophétie n’en est pas moins l’unique mystère de la régénération du monde. Tirer les cartes, c’est dire la chance ou la “bonne aventure”, ce qui traduit très exactement le sens du mot grec Eleusis ! L’intention des anciens imagiers était donc de voir, dans les tarots, l’image d’un ciel terrestre appelé aussi firmament ou miroir d’or, sur lequel les prophètes se sont penchés. C’est pourquoi, ils les ont conçus comme des lames tarotées, “dorées à la feuille, poinçonnées ou gravées avec un stylet pour mieux imprimer un dessin sur l’or”. Ils ont ensuite animé leurs dessins en les coloriant. Nous allons maintenant, à titre d’exemple, proposer au lecteur une interprétation de la lame XVI, la Maison-Dieu. Voici tout d’abord, l’interprétation donnée par Court de Gebelin dans le Monde Primitif. Elle est un bon résumé de celle des cartomanciens La Maison-Dieu ou château de Plutus.

“Pour le coup, nous avons ici une leçon contre l’avarice. Ce tableau représente une tour qu’on appelle Maison-Dieu, c’est-à-dire, la maison par excellence c’est une tour remplie d’or, c’est le château de Plutus, il tombe en ruines et ses adorateurs tombent écrasés sous ses débris.”

Cette lame est donc considérée comme redoutable lorsqutelle sort dans le jeu. Elle signifie: écroulement, ruine, et la gamme la plus sombre des accidents. C’est donc, une mauvaise lame. Pourtant, un examen attentif démentira tout à fait cette interprétation. Ne peut-on s’étonner en effet, de ce que cette tour croulante soit appelée Maison-Dieu? Ce terme évoquerait plutôt l’idée d’un tabernacle, qu’une réserve d’or vulgaire menacée de ruine. Considérons donc attentivement la gravure. Nous voyons en réalité une tour dont le toit se soulève sans difficulté, comme un couvercle. Il n’est donc pas question ici, de tour foudroyée. C’est, tout simplement, l’athanor ou four des alchymistes au moment où se produit ce qu’on appelle la première conjonction qui est le “don de Dieu”. Ce qui pénètre dans la tour c’est ce nitre coruscant qui va devenir le Mercure des Philosophes. L’athanor a été souvent décrit par les auteurs anciens comme une tour ronde de briques cimentées. Ne voit-on pas, par les trois fenêtres de cette tour, qu’elle se remplit de ce grand air qu’est l’azur céleste? C’est là le noble sang bleu qui va peu à peu se figer en miel de charité. C’est ce même nitre coruscant, appelé aussi nitre des monts, qui fut manifesté au sage Moise, dans la nuée au milieu des éclairs . Exode XIX. 16 et s.

Nous voyons donc ici, avec ce grand don, le commencement de l’oeuvre de la cabale chymique ou mystère de la création. Les deux personnages, loin d’être précipités du haut de la tour sont en réalité deux fols dansant sur la tête comme des enfants joyeux. C’est la danse, dite de Salomé, ou danse de David devant l’Arche. On pourra aussi interpréter en disant qu’ils marchent têtes en bas pour mieux lire les signes inscrits dans cette terre philosophique ou Sainte Egypte. L’un est le maître et l’autre, le disciple. Le maître en effet, enseigne par la parole et montre de la main; c’est pourquoi le corps du personnage de droite demeure caché, à l’exception de la tête et du bras qui le définissent. Le personnage de gauche est le disciple : le corps rouge et ridé de l’homme des sens commence à se fendre, comme une carapace craquelée, sous la poussée intérieure de l’homme céleste. On remarquera, aux genoux, les bas usés par la prière. La position des jambes est significative : là? le pied levé verticalement indique une hiérarchie entre l’esprit et le sens; le pied levé vexe l’étude puisque l’esprit y domine le sens. Pour l’autre jambe, le pied bleu et la jambe rouge sont à même hauteur : l’esprit et le sens se font équilibre l’un à l’autre , ils vont de compagnie. Au pied de la tour, sur un sol sec, on voit deux petites flaques d’eau : cette eau devrait être à l’intérieur, mais le dessinateur n’a pas trouvé d’autre moyen d’indiquer cette vapeur condensée sur les parois et qui peu à peu, s’écoule en eau au fond du vase. C’est la fontaine où puisera le sage disciple de la Philosophie.

Voyons enfin, le “mercure vulgaire” en ces petits cercles bleus, blancs et rouges tombant peu à peu sur le sol : le bleu indique sa nature céleste, le blanc sa pureté lorsqu’il n’est pas mêlé aux mixtes; le rouge nous rappelle la nature en quelque sorte magique de cet air sensible qui anime notre monde. Beaucoup d’occultistes, depuis Etteilla se sont mêlés de redessiner les tarots, se flattant de faire mieux que l’ancien imagier, mais sans avoir jamais possédé, c’est évident, ni son savoir, ni son intention. Considérons ici, la même XVIè lame redessinée par Oswald Wirth, un estimable érudit du siècle dernier. Le dessin est plaisant, mais que reste-t-il dans tout cela, du sens de la lame ? Les deux personnages qui reçoivent chacun une brique sur la tête nous font penser aux mésaventures du célèbre capitaine Haddock, plutôt qu’au Grand Oeuvre !

Nous proposerons dans un prochain numéro du Fil d’Ariane, un commentaire de la lame sans nombre, le Mat, qui exprime la malheureuse condition de l’homme perdu ici-bas. Mais expliquer les hiéroglyphes de toutes les lames ne serait pas conforme aux intentions de l’auteur. Il a voulu, en effet, que ce livre demeurât scellé, que le sens de ces figures savantes ne fût pas divulgué. Nous espérons cependant qu’on voudrait bien nous pardonner cette publication si on la jugeait indiscrète. Nous avons voulu rendre un hommage filial à la mémoire oubliée du SAVANT IMAGIER dont les hiéroglyphes enchantent notre étude. Nous souhaitons également attirer l’attention du lecteur curieux sur un livre des plus savants, des plus répandus et pourtant, des plus ignorés. Ainsi en est-il dans ce monde : la sagesse crie sur les places publiques, certains cherchent à l’imiter, mais nul ne l’entend. “ E.H.

C…a

Page ajoutée le 6 novembre 2008