Charly Alverda, l’As de la Belle et me Mutus Liber Message par Charly Alverda le Sam 25 Oct 2008, 17:05 On sait par la règle du dix-septième siècle l’importance donnée aux cartes “rondes” : Coupes et Deniers. Les joueurs inversaient l’ordre de ces cartes, l’As venant immédiatement sous le Valet. Une autre particularité vient de la valeur accordée à l’As de Deniers : “Celuy qui a l’az de deniers appellée la carte de la belle gaigne une marque de chacun en la jouant soit qu’on la perde ou qu’on ne la perde pas.” ” Trois Roys valent une marque de chacun. Quatre Roys valent quatre marques de chacun a cause de l’impériale & des quatre Tarots, autrement si l’on vouloit compter cinq ou six Tarots, lesdicts quatre Roys ne valent que trois marques…. … Les sept Tarots & la belle, cinq.” Vieville ne légende pas ses cartes contrairement au nouvel usage. Dans une orthographe fantaisiste lisible sur l’As de Deniers (l’As de la Belle donc) et le Deux de Coupes nous identifions la série des “atouts”, terme seulement employé qu cours du siècle suivant. Sur l’As de Deniers et au dessus nous lisons en forme de prière – ” Pére Sainct fais moy Yustice … ” – la liste de six triomphes et un nombre. Sous l’As : sept autres triomphes enfin sur le Deux de Coupes : les sept derniers. Nous avons donc deux septénaires sur l’As et UN sur le Deux de Coupes. Je complète arbitrairement mais logiquement le premier septénaire de l’As, en effet le texte est ainsi énoncé : PERE-SAINCT-FAIT MOY-YUSTICE-DE CE-VIELART-MA-E-BAGA AMOUREUX-DE—CESTE-DAMEQVV- Je traduis : cette “dame que” par cette DAME X (la Roue de Fortune) Ce Denier a la particularité d’ajouter, au centre de la rose à quatre pétales, une croix, ce qui signe encore une fois la reconnaissance de la Rose-Croix. En dessous le texte se poursuit avec le deuxième septénaire : SOIT-CRYÉ-ASON DE TROMPE PAR TOUT L-E MONDE DEPAR LEPAPEL APAPESSE-LANPEREVRLINPERAT. (R au-dessus du point) YCE LE SOLEIL (point au-dessus de la barre horizontale du L). Le R de l’Impératrice inexplicablement décalé me renvoie au Mutus Liber… Le Livre Muet “… dans lequel cependant toute la Philosophie hermétique est représentée en figures hiéroglyphiques, qui est consacré au Dieu miséricordieux, trois fois très bon et très grand, et dédié aux seuls fils de l’art, par l’auteur de qui le nom est Altus.” Ce Dieu “trois fois très bon et très grand” nous évoque autant la trinité chrétienne que “Hermès le trois fois grand” patron des “seuls fils de l’art”. La mention des hiéroglyphes rattache ce livre “emblèmatique” à ceux du Tarot. Le texte est d’inspiration rose-croix lui aussi, la double rose sauvage de la première planche et les versets traditionnels (inversés) relatifs à la rosée parlent d’eux-mêmes (si je puis dire ici!) Je n’ai généralement pas suivi Fulcanelli et Canseliet quand ils prétendent que les anciens s’exprimaient par jeux de mots ou cabale phonétique, mais l’analyse de l’R du Mutus Liber peut cependant paraître pertinente. Dans l’édition Rocheloise, le texte est ainsi partagé par l’échelle de Jacob (et des philosophes) : MUTUS LIBE R (virgule sous le R) IN QUO TAMEN, c’est en fait davantage la grande aile de l’ange sur l’échelle qui cacherait l’R. L’ange est bien un messager de l’air, la “trompe’ du Jugement est significative. Une autre édition montre le même texte parfaitement libellé : MUTUS LIBER, IN QUO TAMEN et la suite du texte présentant les mêmes césures que “notre” édition. On peut admettre que nos deux Mutus Liber contemporains, le tarot et celui-ci, se répondent parfaitement dans leurs singularités, l’As de la Belle à la Belle d’argent et l’ R de l’Impératrice à celui du bétyle. On pourrait objecter que la couleur dorée du Deniers correspond mal à l’argent mercuriel, la Lune seule est présente sur la première planche du Mutus Liber. La Table d’Emeraude dit : ” Le Soleil est son père, la Lune est sa mère, le vent l’a porté dans son ventre”. Le Denier correspond à l’ELEMENT Terre, il a la forme du Soleil et la rose-croix quaternaire en son centre indique qu’il est le Feu caché “au ventre d’Ariès”. L’As de la belle serait vu comme le père, le Deux de Coupe comme la mère, la polarisation (lunaire) est évidente dans l’iconographie de cette carte. Après cette tentative d’exégèse, je laisse la “parole” à Eugène Canseliet : ” Le maître de Sendivogius désigna clairement, par les Gémeaux et les animaux du zodiaque, la période printanière au cours de laquelle est tirée, des rayons de la lune, – a radiis lunae trahebatur, – l’eau merveilleuse, dénommée par Magophon, la belle d’argent, et, toujours selon le Cosmopolite, réservée à la nymphe Vénus de la forêt des philosophes: ” En ce même lieu paissaient des taureaux et des béliers, et se trouvaient deux jeunes pasteurs que l’alchimiste interrogea.” Cette eau pontique vient de l’air, de l’R (è-re) qui est rejetée, en insolite enjambement, à droite de l’échelle, dans la longue phrase du titre et qu pique vivement la curiosité de tout inquisiteur de science. Celui-ci sait combien les alchimistes étaient coutumiers de ce genre d’acrobatie cabalistique, consistant à tirer la signification secrète du langage, par l’à-peu-près phonétique que recèle toujours l’ordinaire prononciation. Ce n’est pas sans motif encore, que notre Adepte rochelois a disposé en majuscules les cinq mots de sa première ligne: MUTUS LIBE R IN QUO TAMEN, qu’il faut donc lire, – inquo étant pris pour inquio, – à la manière d’un rébus anagrammatique: SUM BETULI R INQUO TAMEN: je suit l’air du bétyle, je parle néanmoins. Suivant tous les anciens auteurs, l’air est le mercure, et le bétyle, pour Altus, répond au béthel de Jacob, qui veut dire, en hébreu, la maison de Dieu: Et tremblant d’effroi: “Combien, dit-il (jacob), ce lieu est terrible! Ce n’est ici d’autre que la maison de Dieu et la porte du ciel.” Le bétyle s’identifie avec la pierre noire tombée du ciel, que dévora Saturne et qui possède la double vertu d’oracle et de divination. On la verra, brute d’abord, puis multiple et taillée, sur les emblèmes xii et xxxvi, parmi les cinquante que Jean-Théodore de Bry grava somptueusement pour l’Atalante Fugiens de Michaelis Maierus (1618).” (E.Canseliet, Commentaire de la 1ère planche du Mutus Liber) C…a