La passion de Perrine Dugué Une martyre républicaine et guérisseuse de la fin du XVIIIème siècle. (République des Coëvrons*, forêt de Charnie, canton de Sainte-Suzanne, Mayenne) Comme dans la chanson, Perrine était servante. Pendant la révolution, en 1792 si ma mémoire est bonne, du haut de ses dix huit ans, elle faisait régulièrement les dix kilomètres à pied qui séparait sa maison de Thorigné en Charnie, pour porter de la nourriture à ses frères qui tenaient garnison à Sainte-Suzanne, alors capitale de secteur. En ces temps de chouannerie et de révolution, la ville était républicaine et la forêt chouanne. Et un beau matin sur la route, dénoncée, les chouans l’arrêtent. Elle subit probablement les pires outrages et ses bourreaux se retirèrent, la laissant à moitié nue, sanglante, après lui avoir coupé un sein au sabre. Ils la laissèrent, se vidant de son sang ; peur, lâcheté, toujours est-il que trois jours de rang, elle agonisa jusqu’à ce que ses frères viennent enfin de Sainte-Suzanne. Dans leurs bras, elle rendit l’âme. Sa légende raconte que son âme monta au ciel dans une nuée tricolore, accompagnée des héros de jadis. Elle fut enterrée à même la terre, non loin de son lieu de martyr. Très rapidement le bruit couru que des miracles avaient lieu sur sa tombe. Les candidats au miracle se mettaient entièrement nus, ce qui en cette époque de puritanisme campagnard était un acte qui devait être fortement motivé. Ils s’enduisaient le corps d’un mélange de terre et de la cire des bougies qui brûlaient jour et nuit, puis s’allongeaient sur la tombe de Perrine, l’implorant d’un miracle. Et le miracle avait lieu ! La petite servante républicaine, par le martyre, s’était transformée en Sainte guérisseuse. Les chroniques de l’époque rapportent que les foules venaient par petits groupes d’un même village, et que certains jours on avait compté jusqu’à deux mille cinq cent personnes à défiler. Un village provisoire fait de cabanes et de toiles s’était installé. Les quêtes s’avérèrent si copieuses que l’on put lui construire une chapelle. Quelques années plus tard, en grande pompe républicaine, les restes de la martyre furent transférés dans le nouveau bâtiment. Du jour au lendemain, les miracles cessèrent, le lieu cessa d’être magique, la providentielle manne due aux pèlerins s’envola. Les rites chamaniques issus de la plus lointaine mémoire tribale ne pouvaient plus être pratiqués, la Sainte, martyre et guérisseuse, allait sombrer dans l’oubli de la poussière de l’histoire ! Fait à Sainte-Suzanne Septembre 2000 * C’est ainsi que nos politiques locaux, par dérision, traitent ce secteur perdu des fins fonds du département de la Mayenne.