Pourquoi ce nom de Maison Dieu Alors, tout d’abord un peu de sémantique française et une précision. Au moyen-âge occidental, l’hôpital était nommé : “hôtel Dieu”, rarement ” maison Dieu”. En 1650, il semblerait que seule reste l’appellation : “hôtel Dieu”. La piste du sens via l’hôpital se ferme, au moins pour les dates qui nous intéressent. L’église est nommée « maison de Dieu », et non maison-Dieu. Là aussi la piste se ferme. Nous ne sommes pas bien avancés avec la sémantique. En langue des oiseaux tardive, du XVIIIè, on pourrait l’écrire : “l’âme et son dieu”. L’ordre du Temple, les ziggourats, la tour foudroyée…. En allant fouiller dans le Kaplan, il me semble pouvoir dire que la première « tour foudroyée » que nous voyons apparaître sur les tarots italiens du XVè est celle du Charles VI (Venise? circa 1480), soit un siècle, ou si vous préférez, 4 générations de cartiers et d’enlumineurs, après l’apparition des naïbi. Du travail des cartiers populaires, hormis la feuille Cary qui présente un canon de TDM déjà un peu fantaisie, nous n’avons rien avant la série Noblet, Viéville, anonyme parisien, puis Dodal, Payen….. Pour les images, consultez : https://letarot.com/uncategorized/tarot-de-marseille-ou-tarot-des-visconti-sforza-le-grand-debat/ Dans les tarots de la famille des Visconti Sforza les arcanes Diable et Maison Dieu ont disparu. Ceux que nous avons aujourd’hui dans les jeux édités sont des dessins datants de l’année 1975 (éditions Graphica Gutemberg et US Games) et sont totalement apocryphes. C’est donc cette Maison Dieu, peinte en “tour foudroyée” qui aujourd’hui fait référence pour les tarots italiens enluminés à la main. La grande différence, et probablement la principale, entre les tarots populaires français et les tarots princiers italiens, réside dans cette Maison Dieu. Or, que voyons-nous chez les « ancêtres », Noblet ou Dodal? Une flamme ascendante, jaillissant de la tour. A partir de Conver, elle devient descendante. Viéville Noblet Dodal Conver Quant à Viéville, issu de la tradition dite rouenno-bruxelloise ou piémontaise, il représente une sorte de berger, un arbre, un troupeau de chèvres, de moutons et un luminaire. Ce luminaire nous le retrouvons correctement représenté chez les « anciens » Noblet et Dodal, et à peine esquissé chez le tardif Conver. Quel sens peut-on donner à tout cela? Chez Viéville : Le troupeau de chèvres et de moutons est la représentation traditionnelle chez le peuple du roman et les imagiers des cathédrales, des vies dites antérieures. L’arbre est la désignation imagée de la croissance, de l’expansion de la conscience, et le luminaire, le lieu de conscience de l’illumination Et les autres tarots de Marseille? La tour représente la forteresse de l’égo, la couronne ouverte, le fait que le mental lâche prise, et la flamme ascendante vers un luminaire, la capacité de l’individuation à entrer en fusion avec le divin. Nous sommes dans l’immanence platonicienne en opposition avec Conver qui présente la transcendance aristotélicienne avec une flamme descendante! Conver a néanmoins conservé dans son trait pour le luminaire les trois cercles traditionnels qui sont : abred, keugant et gwenwed. Le cercle extérieur dans lequel rien n’existe, le cercle médian de l’incarnation et le cercle de la lumière blanche de l’illumination. Avec l’arcane XVI La Maison Dieu, nous sommes dans la représentation traditionnelle de l’expérience de l’illumination. C’est le lieu de conscience de la fusion avec le divin. Le message de ces vieux tarots est donc simple : chacun d’entre nous peut, sur ses propres forces, et sans aucune intervention extérieure de quelque nature que ce soit, entrer dans l’état de conscience ou il est illuminé par la blanche lumière de ce qui sera nommé, par les amateurs de religieux, le divin. L’ordre des chevaliers teutoniques se simplifiait la vie en ayant comme devise, quelque peu abrupte : “Si tu ne meurs pas avant de mourir, tu mourras en mourant” Voilà : la maison, c’est le lieu dans lequel la conscience réside, et Dieu … sans commentaires. jeudi 22 janvier 2004