Vlad Zepech, “dit” Dracula

Vlad Tepes III, l'empaleur

 

Vlad Tepes III dit “l’Empaleur”

 

Voici une histoire qui se rattache au cycle de l’arcane XVIII La Lune

Un ami me l’a contée, bien sûr, un soir de pleine lune.

…. « Il existe en Europe, des terres où le sacré se manifeste, où la tradition est toujours vivante. Tenez, je sais que vous n’allez pas croire cette histoire, cependant, elle est véridique, vous avez ma parole !

Mon amie de l’époque était roumaine et je souhaitais m’installer avec elle à Cluj-Napoca, la capitale de Transylvanie, et y acheter un appartement. Elle était musicienne, travaillait dans un des trois Opéras de la ville, et m’avait introduit dans le milieu artistique local. Je mettais en scène un spectacle autour de la vie de Vlad Zepech, celui que l’on présente en Europe de l’ouest comme un croquemitaine suceur de sang : Dracula.

Pour eux, c’est un saint homme, un “inspiré” envoyé par le ciel, il renouvelle Jésus et son enseignement. Comme lui, il est mort exécuté en nouant un drame s’inscrivant dans l’âme du monde : on lui trancha la tête.

A cette époque, j’avais encore une entreprise en France, et je faisais régulièrement les allers retours entre les deux pays. Vu l’état de pauvreté de la Roumanie, je n’avais pas pris l’avion et, pour ne pas arriver les mains vides, nous allions avec un compère conducteur et ami, dans ce fin fond de bout du monde de Transylvanie avec un camion plein de vêtements et de chaussures. Nous faisions une livraison humanitaire avec les dons récoltés en France. Ça faisait un paquet d’heures qu’on roulait, nous avions traversé les deux tiers de l’Europe, et enfin, à l’aube, nous approchions des premières montagnes. C’était au début de l’été, et en passant un col, sur ces routes d’un autre âge, nous plongeons dans une épaisse nappe de brouillard. De cette nappe émerge d’un côté et de l’autre de la route, d’abord une première rangée de bohémiennes qui portaient des paniers de girolles. Nous nous arrêtons et achetons les paniers. Nous repartons et croisons de l’autre côté, une autre colonne de bohémiennes. Nous passons et continuons de rouler. Quelques centaines de mètres pour se mettre les idées au clair, et enfin nous nous regardons et on se dit pratiquement en même temps : nous avons un camion plein pour faire de l’humanitaire, commençons dès maintenant ! Ni une, ni deux, nous faisons demi-tour et rattrapons celles qui avaient encore leurs paniers pleins. On s’arrête et négocie la girolle. Puis, on ouvre les portes arrière du camion et les fait se servir. Les autres les rejoignent, et toutes ensemble, elles piochent dans les chaussures, les blousons et les pantalons.

En repartant, j’étais au volant, je jette un coup d’œil dans le rétro, et qu’est que je vois : les femmes qui se mettent à genoux, les mains jointes, en prière et qui remercient le ciel pour la bonne aubaine. »

La vie lui avait offert un centimètre cube d’opportunité. Sur le pèlerinage de l’âme, ça ne se rate pas, il ne l’avait pas raté, les mondes de la magie ordinaire s’ouvraient pour lui. Sa distribution d’humanitaire terminée, il s’occupe de l’appartement.

Coup de chance, celui de Mircea Eliade est en vente.

…. « Le fils et la fille s’engueulaient comme du poisson pourri, pourtant ils sont universitaires tous les deux. Le fils est prof d’université, il a des crises qui ressemblent à une sorte de schizophrénie épileptique. Ça ne prévient pas, il est bien et tout à coup, il est dedans, en plein délire.

L’appartement était bourré de bouquins. Dans toutes les langues ! Inimaginable, il y en avait partout, vraiment partout. Tous les murs étaient couverts. Deux cent cinquante mètres carrés avec toute l’accumulation d’un homme curieux de tout comme Mircéa Eliade. Les enfants laissaient tout, ils ne voulaient rien prendre. Ils ne souhaitaient rien conserver de leur père….

Chez le notaire, pour la signature du compromis de vente, on attend les enfants : ils ne viennent pas. Le notaire se démène, téléphone partout, et finalement les retrouve. Il renégocie un rendez-vous quinze jours plus tard. Compte tenu de mes affaires en France, je ne souhaitais pas rester tout ce temps en plus, mais tant pis, je me débrouille et continue de travailler sur le spectacle autour de Vlad Zepech dont je faisais la mise en scène. »

« A ce nouveau rendez-vous, la fille est là, on attend le fils. Alors, je flâne, j’erre en piochant dans la bibliothèque et feuillette négligemment des livres. C’est à ce moment-là que j’entends un hurlement qui me glace de terreur. A évoquer ce souvenir, j’en ai encore les poils qui se dressent, regarde. »

En effet !

…. « Quand j’examine le livre que la surprise m’a fait ouvrir, c’est pile sur une gravure de Vlad Zepech, le Voïvodine Conte Dracula ! Très vite, avec le notaire, on a constaté que le fils n’était pas en mesure de signer, et on est partis comme des dératés, encore remués par ce cri épouvantable.

Sur le palier, nous étions soulagés de quitter cet appartement de cinglés. L’histoire n’est pas finie me dit-il, nous sommes au pays de Vlad Zepech, ne l’oublie pas !

En attendant l’ascenseur, nous devisions pour soulager la tension et nous eûmes même quelques rires nerveux. Lorsqu’il est arrivé, nous nous sommes précipités, trop contents de quitter ce monde de fous furieux. Seulement … Dans la cabine de l’ascenseur, sur les parois, du sang coulait…. »

Ah !!! m’exclamai-je de surprise! J’hallucinais complètement !

…. « Je savais que tu ne me croirais pas ! »

Il lèva les bras au ciel : « pourtant, c’est vrai, ma parole ! »

J’entends, j’entends ton histoire, permets que j’hallucine, tu es si bon conteur !

Nom de Dieu, chez lui, quand la magie ordinaire se met en action, elle n’y va pas par quatre chemins et pas de main morte ! Ah la vache !

Son histoire était finie.

Et l’appartement, lui demandai-je ! Il leva les yeux au ciel, … « foutu bien sûr ! » et la roumaine ! Il sourit, mélancolique ….

Il avait généré un monde magique, il en avait été le « moteur immobile ».

Texte ajouté le 25 mars 2007