Le “truc à trous”

Source web : http://membres.lycos.fr/dodeca/histoire.htm


Les dodécaèdres gallo-romains ajourés et bouletés :

Il est important de noter que tous les dodécaèdres connus (soit actuellement septante-six pièces) sont différents par leurs dimensions et par les diamètres de leurs ouvertures. Les hauteurs varient de quarante à quatre-vingt-cinq millimètres. On peut cependant affirmer, sans crainte d’erreur, que, pour une majorité significative des dodécaèdres, les deux trous les plus larges se trouvent sur des faces opposées. Les faces internes des dodécaèdres sont laissées brutes. Les faces externes, en revanche, sont bien finies. Leur ornementation se compose le plus souvent de deux à trois cercles concentriques et de dix ou douze ouvertures.

Il est essentiel de souligner que, jusqu’à présent, on n’a jamais découvert deux dodécaèdres parfaitement identiques. La diversité est de règle, tant pour les mesures et poids de l’objet que pour la décoration des surfaces, les dimensions des ouvertures et la relation entre les tailles respectives de celles-ci. Les seules constantes que l’on puisse mettre en évidence sont la forme géométrique, c’est la présence systématique des ouvertures et des petites sphères appliquées aux angles. Une réalisation aussi délicate suppose une maîtrise technique certaine, conjuguée à une solide connaissance des volumes géométriques et à une très grande dextérité. C’est précisément ce qui pousse R.COULON à conclure que ces objets doivent être envisagés comme des exercices de maîtres, des sortes de chefs-d’œuvre. La plupart des auteurs s’accordent à reconnaître que les dodécaèdres ont été coulés selon la technique de la cire perdue. Un examen minutieux du dodécaèdre de Feldberg fait apparaître clairement l’utilisation de ce procédé. Dans ce cas particulier, ce ne sont pas les restes de cire présents à l’intérieur qui sont particulièrement significatifs, mais les irrégularités sur les bords des ouvertures qui sont des traces de la coulée. R.COULON a élaboré (de manière circonstanciée) et contrôlé expérimentalement le processus de cette fabrication par la cire perdue. Il le déduit de la fabrication supposée de dodécaèdres à l’âge du bronze. Les faces extérieures sont bien finies et ont d’ailleurs fort probablement été polies.

truc à trous

Jusqu’à présent, septante-six dodécaèdres gallo-romains ont été découverts, sur des sites répartis pour la plupart au nord des Alpes dans un périmètre qui correspond grosso-modo à celui de l’ancienne civilisation celtique : Grande-Bretagne, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, France, Suisse, Autriche et Yougoslavie. On n’en a trouvé aucun sur le pourtour de la Méditerranée (Italie, Espagne, Grèce, Egypte,…).On a une connaissance suffisante du contexte archéologique dans neuf cas seulement. L’origine de vingt-deux dodécaèdres est complètement inconnue. Pour trente-trois autres, on ne dispose que d’une simple mention du site d’origine, assortie parfois d’une vague description de ce site, toute précision étant perdue quant au contexte archéologique. Lorsque leur origine est connue, ils apparaissent liés à un contexte romain. Les sites appartiennent à des catégories très diverses : camps militaires, îlots urbains (insulae), thermes, proximité d’un théâtre, tombes et même en accompagnement des monnaies enfouies à la fin du quatrième siècle après J.-C. L’un des exemplaires d’Augst a pu être daté des années trente à cent dix après J.-C. grâce à la céramique qui l’accompagnait. En fin de compte, il n’est pas étonnant que tant d’hypothèses aient vu le jour sur leur utilisation : casse-tête, pommeau de sceptre, jouet (bilboquet), chandelier, calibreur, ouvrage de maîtrise, symbole mythique ou religieux, ou encore instrument de mesure géodésique. Les dernières décennies ont surtout vu se développer les deux dernières propositions. La thèse de l’instrument de mesure géodésique découle de la comparaison entre les diamètres respectifs des trous percés dans les faces opposées ; en se basant sur la différence de diamètre et sur la distance séparant les deux faces, on disposerait de données permettant de calculer la distance séparant l’observateur d’un objet éloigné. Les dimensions des trous ne sont indiquées sur aucun dodécaèdre. De plus celles-ci, pour les exemplaires connus, sont très variables.

Les limites de cette théorie nous semblent donc définitivement trop étroites. Pour l’élaboration de la théorie mystico-religieuse, l’argumentation se fonde sur deux données importantes : la forme géométrique de l’objet et le fait que le monde antique était essentiellement un monde religieux, dans l’acception la plus large du terme. L’un des maillons essentiels de l’hypothèse est la relation entre les civilisations grecque et celtique. Le lien entre la symbolique numérique des druides et la conception pythagoricienne de l’arithmologie est aisément mis en évidence. Le dodécaèdre en bronze, reproduction du dodécaèdre pythagoricien, aurait été associé à l’astronomie et à l’astrologie. C’est en cela qu’il serait devenu un instrument à prédire l’avenir. La documentation du Moyen Age et de la Renaissance constitue dès lors une bonne base pour la compréhension dus système de ce « jeu de hasard ».

En guise de conclusion, nous émettrons ces quelques remarques : bien que le total des découvertes de dodécaèdres pentagonaux gallo-romains atteigne, à ce jour, septante six pièces au moins, il faut reconnaître qu’il s’agit d’un phénomène tout à fait particulier : ce groupe d’objets a une répartition strictement délimitée au territoire celtique situé au nord des Alpes. Aucun n’a été découvert en dehors de cette zone. Au cours du Moyen Age et de la Renaissance, le dodécaèdre semble plutôt considéré comme un jeu qui permet de prédire l’avenir. Ici aussi, les nombres jouent un rôle non négligeable. Dans les deux cas, on a pu faire référence à une valeur symbolique lourdement chargée : d’un côté l’univers, de l’autre les éléments magiques, deux aspects selon toute vraisemblance intrinsèquement imbriqués. La question reste cependant ouverte : jusqu’à quel point peut-on extrapoler cette théorie aux dodécaèdres gallo-romains ? Les contextes archéologiques de dodécaèdres sont très rarement connus. Ceux qui le sont n’ont fourni aucune indication précise à cause de leur diversité et de leur imprécision relative. En tout cas, la situation des découvertes n’offre aucune indication quant à l’usage ou à la signification de l’objet. Si l’on considère le matériel archéologique d’accompagnement, l’apport des textes et les comparaisons avec des objets apparentés, il semble évident due le dodécaèdre gallo-romain ne peut être compris de façon trop étriquée. Les hypothèses privilégiant la valeur symbolique de l’objet plutôt que son utilisation fonctionnelle nous paraissent plus riches en possibilités. Pour l’heure, il faut donc conclure que l’état actuel de la recherche archéologique, technologique et historico-culturelle ne permet pas de déterminer avec exactitude la fonction du dodécaèdre pentagonal. Et cette situation ne s’améliorera guère tant que des découvertes nouvelles, archéologiques, littéraires et iconographiques n’éclaireront pas plus cet objet.

Belgique : 3, Allemagne : 18, France : 30, Hongrie : 1, Grande Bretagne : 11, Yougoslavie : 1, Pays-Bas : 3, Autriche : 1, Suisse : 8

Un ingénieur, Pierre Méreaux-Tanguy, a étudié ce dodécaèdre. Il remarque que les diamètres des trous ne sont pas de même grandeur mais qu’ils varient de manière proportionnelle pour chaque paire de faces parallèles. Dès lors, il ne peut s’agir que d’un instrument perfectionné de visée. Son mode d’emploi est relativement simple. Etant donné un étalon planté verticalement, fixe ou tenu par un aide, l’observateur maintient le dodécaèdre à hauteur de ses yeux, soit à la main, soit à l’aide d’un support, la plus petite de deux ouvertures opposées tournée vers lui. Il l’écarte ensuite jusqu’à ce que les deux trous de visée coïncident optiquement, puis se place à une distance de l’étalon telle que celui-ci vienne s’encastrer parfaitement dans la lunette. L’observateur dispose ainsi de six mesures possibles, prédéterminées par la différence de diamètres entre les trous correspondants de ce Clinomètre vieux de dix-sept siècles.

Ce mystérieux étalon fixe n’est autre que le gnomon dont l’ombre mesurée aux deux solstices, hiver et été, et la hauteur rapportée à celle du soleil sur l’horizon, devaient permettre selon une formule qui était le secret des prêtres et plus tard des maçons, d’établir ce que nous appelons la latitude d’un lieu. Ce calcul allait fournir l’étalon qu’on emploierait pour dessiner les plans d’un temple et fixer les mesures officielles, toise, pied et pouce, de la ville neuve.

Quoiqu’il en soit, la découverte de pareils instruments de précision conçus, fabriqués et utilisés pour les bâtiments Gallo-romains, implique l’existence à l’époque en Gaule d’une confrérie de constructeurs, très fermée puisque aucun texte n’en fait mention, analogue à celles qui referont surface au moyen âge, pour bâtir les cathédrales.

Déjà les “cagots”?